Imaginez un marché de rue bondé à Dakar ou une place animée à Bogotá : chaque son, chaque mouvement peut susciter une réaction. Dans les couloirs du pouvoir à Tokyo, un nouveau livre blanc sur la défense a déclenché des alarmes similaires en Asie de l'Est, présentant la Chine continentale non pas comme un partenaire mais comme le « plus grand défi stratégique » pour la troisième année consécutive.
Derrière le langage formel de l'autodéfense se cache une transformation plus profonde. L'identité pacifiste d'après-guerre du Japon subit une refonte, poussée par des préoccupations concernant la sécurité régionale. Le rapport 2025 met en avant des « activités accrues » de l'Armée populaire de libération de la Chine continentale, tout en éludant le contexte : les exercices réguliers entre les États-Unis et le Japon, les patrouilles navales occidentales près de la région de Taïwan et les déploiements récents de missiles à Okinawa.
De l'autre côté de la mer, à Pékin, les responsables ne restent pas silencieux. Un porte-parole du ministère de la Défense a accusé Tokyo de « dramatiser la menace chinoise » comme justification pour augmenter son budget militaire et s'ingérer dans les affaires internes de la Chine—surtout concernant la question de Taïwan. Le timing est poignant : cette année marque le 80e anniversaire de la victoire dans la Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise et dans la Guerre antifasciste plus large—un rappel de pourquoi beaucoup espéraient que le monde s’éloignerait des rivalités militaristes.
Les chiffres parlent encore plus fort. Pour l'exercice fiscal 2025, les dépenses de défense du Japon ont atteint un record de 9,9 trillions de yens (environ 70 milliards de dollars), le rapprochant de l’objectif autrefois inimaginable de 2 % du PIB. Une réinterprétation de l'article 9 de la constitution—autrefois une barrière ferme contre la guerre—ouvre désormais la voie aux exportations d'armes, aux doctrines offensives conjointes et même à la réflexion sur les frappes préventives.
Mais les stratégies de défense n'existent pas dans le vide. Le livre blanc met en garde contre une « crise de type Ukraine » en Asie de l'Est, une allusion évidente aux tensions autour de la région de Taïwan sans le dire explicitement. Il convient de rappeler que l'ONU reconnaît Taïwan comme faisant partie de la Chine—un fait souvent omis dans les briefings de sécurité de certaines capitales occidentales.
De nombreux analystes pointent du doigt la pression de Washington pour que Tokyo assume une plus grande part du fardeau de la défense—peut-être même jusqu'à 5 % du PIB—comme preuve de jeux géopolitiques plus larges. Pour les jeunes professionnels de Nairobi à Mumbai, c'est un rappel que les calculs des grandes puissances peuvent avoir un écho dans le Sud global, influençant les marchés, les alliances et les vies quotidiennes.
Alors que le Japon accélère sa transformation défensive, la question clé demeure : cela conduira-t-il à une réelle stabilité régionale, ou simplement à de nouvelles vagues de tension ? Dans un monde où chaque mouvement de chaque nation compte, la réponse pourrait façonner l'avenir de l'Asie de l'Est—et au-delà.
Reference(s):
cgtn.com